Par Laurent Neumann, Marianne
Lionel Jospin fait des heures sup ! On se pince pour y croire. François Hollande n’a rien trouvé de mieux que de confier à l’ancien Premier ministre socialiste la présidence de la Commission sur la moralisation de la vie politique - la 8e commission en moins de deux semaines ! Le changement, maintenant, c’est Jospin ? On rêve ! Sauf à admettre que Lionel Jospin est bien à François Hollande ce que, naguère, Edouard Balladur fut à N.Sarkozy : un exemple, un modèle, un mentor. Mieux-pis -, un « parrain ».
Car, tout de même, quelle imagination que celle qui consiste à confier à celui qui fut piteusement éliminé dès le premier tour de la présidentielle de 2002 la remise à plat du fonctionnement de notre démocratie ! A l’orgueilleux qui, au soir du 21 avril 2002, disait se retirer de la vie politique. A l’inventeur de la calamiteuse inversion du calendrier électoral.
Une imagination débordante même puisque, pour faire bonne mesure, le chef de l’Etat a désigné comme membre de cette commission Olivier Schrameck, l’ex-directeur de cabinet à Matignon. Reconstitution de ligue dissoute - sans vouloir être désobligeant pour l’ancien membre de l’OCI. Cette commission ne rassemblant, outre des universitaires, que des proches du PS et une représentante de l’UMP, Roselyne Bachelot, doit-on en déduire que la future moralisation de la vie politique française ne concernera que ces deux partis ?
L’effet est désastreux. Le changement, ce serait donc de créer une commission pour plancher sur chaque problème identifié pendant la campagne présidentielle ? Une commission sur la fin de vie, une autre sur la défense, une troisième pour évaluer la place de la France dans l’Otan -confiée à Hubert Védrine, écarté de la feuille de match gouvernementale ? Le changement, ce serait d’organiser l’interview du 14 juillet non plus à l’Elysée mais à l’hôtel de la Marine, comme si les questions des journalistes n’en avaient pas été moins déférentes ?Etonnez-vous après çà qu’au bout de deux mois de mandat à peine moins d’un Français sur deux croie encore en la capacité de François Hollande à tenir ces engagements ! Mais Jospin faisant des heures sup, ça franchement, on n’y aurait pas pensé !
A propos des heures sup justement : on ne pleurera pas sur la suppression de leur défiscalisation, cette mesure emblématique du Sarkozysme triomphant, traduction sonnante et trébuchante du « travailler plus pour gagner plus »qui avait toit du miroir aux alouettes. Marianne a expliqué à plusieurs reprises pourquoi cette subvention avait surtout été utilisée pour « blanchir » des heures déjà travaillées et comment l’Etat dépensait plus de 4 milliards d’euros par ans pour une mesure empêchant l’embauche de 40 000 à 60 000 chômeurs. Une politique digne du roi Ubu.
Le Changement ? Sortir Jospin de la naphtaline pour administrer à la France des leçons de démocratie…Ca, on n’y aurait pas pensé !
Cela dit, l’attitude des députés socialistes nous laisse pantois. Imaginez, fût-ce pendant quelques jours, que l’on pouvait rétablir 1,5 milliard d’euros de taxes pour 9 millions de salariés, ouvriers, chauffeurs routiers, infirmières, gardes d’enfants, enseignants…- sans que le président de la République, son Premier ministre ou son ministre du budget daigne se livrer à un minimum d’explications quel symbole ! Que de précautions, en revanche, pour imposer à 75% la part des revenus supérieure à 1 million d’euros par an ! Comme si certains méritaient d’être ménagés plus que d’autres…
Même si Jean-Marc Ayrault a fini par rectifier le tir, les socialistes ont démontré qu’ils n’avaient toujours pas compris ce que signifiait le fait de vivre avec moins de 1400€ par mois. Il faudra du temps pour réparer pareille bévue.
Source : Marianne n° 796 du 21 au 27 juillet 2012 (version presse écrite)