Ca y est. Il l’a sa présidence du monde. Ce vendredi 12 novembre matin, descendant de
son tout nouveau « Air Sarko one », Nicolas Sarkozy n’a pas boudé son plaisir en héritant du bâton de chef du G20 pour un an.
On va voir ce qu’on va voir. Le chef de l’Etat incapable de trouver dans sa politique intérieure les ressorts d’un nouveau souffle pour la fin de son
quinquennat, compte sur sa stature internationale pour se refaire la cerise. Mais le bâton dont il hérite aujourd’hui peut s’avérer plus proche du bâton merdeux que celui de
maréchal.
Une guerre des changes doublée en réalité d’une guerre commerciale. Engluée dans un chômage de masse (10 % de la population active), appauvrie par la crise
(42 millions d’américains mangent grâce à l’aide alimentaire fédérale), l’Amérique tente le tout pour le tout afin de se sortir de l’impasse. Et cette fois, le couple Bernanke/Obama
respectivement président de la banque centrale et, depuis la victoire républicaine, président de pas grand chose, comptent redonner un coup de fouet au made in USA. Et il y a du pain sur la
planche. Outre-atlantique, l’industrie n’occupe que 11% de la population active.
« Parce qu'elle s'appuie sur la dépréciation du taux de change, l'action des autorités américaines n'est pas sans effets sur les autres pays. Pour
certains, cette décision est source d'inflation, pour d'autres de récession », expliquent dans une tribune aux quotidien Les Echos, les économistes Gérard Belet et Mathilde
Lemoine. Aussi, pour les autres puissances, notamment les pays émergents exportateurs (Brésil, pays asiatiques) le coup est-il sérieux. Et leurs dirigeants n’ont pas manqué de le faire
savoir aux intéressés. Parmi les plus remontés, les Allemands, premiers exportateurs mondiaux, ont jugé cette politique « dangereuse » et « irresponsable ». De son
côté, l’autre machine à exporter, la Chine, joue gagnant : sa monnaie, arrimée au dollar, suivra le billet vert dans sa descente, accentuant la surélévation du yuan. Situation que résume à
merveille [Hubert Védrine dans le talk du Figaro, l’ancien ministre PS des affaires
étrangères: les Etats-Unis « gèrent leur monnaie de façon économique, mais aussi politique, la Chine qui la gère de façon carrément politique et la zone euro qui la gère de façon,
disons, idéaliste. »
Qu’a donc compris Nicolas Sarkozy de cette situation bien complexe ? Pour sa première conférence de presse, le nouveau président du G20 a ainsi verbalisé
l’idée qu’il se faisait de son mandat :
« Il y a deux stratégies possibles. À mes yeux, il n y en a qu’une. La première consiste à se faire des reproches les uns aux autres. Les pays en excédant
reprochant aux pays en déficit d’être en déficit. Les pays en déficit reprochant aux pays en excédant d’être en excédant. Cette stratégie conduit à l’ échec certain. Certain ! Absolument
certain !
J’ajoute une remarque personnelle. Je ne vois pas comment on peut reprocher à un certain nombre de pays d’agir de façon unilatérale puisqu’il n’existe pas
de système multilatéral. Donc ce qui compte c'est de poser les bases d’un système monétaire authentiquement multilatéral.
Et puis la deuxième solution, c'est, au contraire, essayer par le dialogue de rassembler tout le monde pour poser les base du système du 21e siècle. C'est
très compliqué, c’est très difficile, il y aura beaucoup d’épreuves à surmonter mais la légitimité du débat n’est plus mise en cause par personnes. Et même mieux le G20 donne mandat à la
présidence française d’avancer sur le sujet… On est bien loin du scepticisme qui régnait, il y a quelques mois… »
Voilà comment Nicolas Sarkozy a défini sa vision de son mandat d’un an de patron du G20.
On voit donc que, en pleine « guerre des monnaies », le président français reprend une antienne de la politique française internationale : «la mise en
place d'un système monétaire international (…) Le président ne peut pas escamoter la question, c'est une vieille position française, droite et gauche confondue…», a ainsi rappelé
Hubert Védrine.
Cet objectif, pour important qu’il soit, Nicolas Sarkozy croit donc en avoir reçu mandat lors de la passation de pouvoir entre la France et la Corée du Sud,
présidence sortante du G20. Une lecture un peu hâtive du communiqué final des vingt pays les plus riches du monde. En effet, le texte reprend, quasiment mot pour mot, le communiqué publié à
l'issue de la réunion des ministres des Finances du G20, fin octobre dernier.
Mais bon, la posture, gaullienne, est avantageuse... Et on a récemment vu Nicolas Sarkozy à Colombey les deux Eglises pour le quarantième anniversaire de
Mon-Général, cherchant un improbable héritage.
Mais surtout, Nicolas Sarkozy fait dans le politiquement correct en refusant de « faire des reproches ». Dès le début de son propos, il met de côté
la question des déséquilibres commerciaux.
Etonnante démarche que celle-là. La guerre des monnaies n’est en réalité que la partie visible d’une confrontation plus profonde : la bataille pour l’emploi.
Et derrière l'emploi on trouve évidemment la localisation des activités, et notamment la production des biens. En un mot, de l’industrie.
Les mots du chef de l’Etats visent, en réalité, à épargner la Chine, dont Nicolas Sarkozy craint désormais le poids. Mais surtout l’Allemagne. Tout comme
l’empire du milieu, notre partenaire européen, avec qui nous avons en partage notre monnaie, a choisi un modèle de développement centré sur les exportations, au détriment de sa consommation
intérieure. C’est cette question que Nicolas Sarkozy ignore superbement.
Pourtant, même à Bercy, jusqu’à la puissante direction du Trésor, certains militent pour mettre ce sujet sur la table, et ne pas réduire les problèmes du
monde aux seules questions monétaires.
Pour eux, la résolution de la question monétaire ne peut constituer une solution pérenne puisqu’elle ne saurait à elle seule réduire les déséquilibres
commerciaux de la planète.
« Pour retrouver la maîtrise des équilibres économiques et de la souveraineté, une option est d'ériger des écluses régulant les mouvements du capital
financier. L'alternative que doit à tout prix trouver le G20 est un accord multilatéral visant à rééquilibrer la croissance mondiale. Il consisterait en un nouveau plan de relance
budgétaire aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine et en l'appréciation coordonnée des monnaies asiatiques. La stabilité mondiale en dépend », concluent Gérard Belet et Mathilde
Lemoine.
La France, et l’Europe en général, aurait tout à gagner dans une telle configuration. Pas sûr que ce soit le chemin sur lequel nous entraîne le bâton du bon
pasteur Nicolas Sarkozy.